Avril 2019 – L’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris

Devant le choc de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, nous consacrons une soirée spéciale à cet événement afin de mieux comprendre les enjeux historiques, artistiques et spirituels pour notre nation.

Nous avons tous eu peur en voyant les images du bâtiment en feu. Le monde entier retenait son souffle : la cathédrale allait-elle s’effondrer ? Finalement, seul le toit et la flèche sont tombés. C’est un moment marquant pour notre nation et aussi pour l’histoire de la civilisation occidentale. Pourquoi ? Pourquoi est-ce si important ? N’est-ce pas juste des pierres ? Une œuvre humaine ? Rappelons que Jésus lui-même n’a pas pleuré devant le temple de Jérusalem dont il savait pourtant qu’il serait détruit. Mais il a pleuré pour la ville, pour ses habitants, pour les foules sans berger, pour son peuple qui n’était pas capable de reconnaître le moment où Dieu venait le visiter et lui parler. Alors, nous aussi, comment pouvons-nous comprendre ce que Dieu nous dit au travers d’un tel événement ?

D’abord, cet incendie sert de révélateur d’une réalité passée sous silence, celle des dégradations d’édifices religieux en France (en 2018, 100 faits anti-musulmans, 541 faits antisémites, et 1 063 actes anti-chrétiens recensés). De façon plus large, cet événement permet aussi de comprendre que les actes de dégradations renvoient de façon plus large à une persécution des chrétiens à un niveau mondial (il s’agit aujourd’hui de la communauté la plus persécuté au monde, et la même semaine des attentats au Sri Lanka ont fait plus de 200 morts). Ensuite, une autre réalité franco-française : le fait de comprendre que sur les 10 milliards de budget de la Culture, et tout en étant le pays qui accueille le plus de touriste au monde (95,8 millions en 2018), une part trop faible du budget est consacré à entretenir un patrimoine qui se retrouve donc en très mauvais état, fragile, quasiment en ruine, et qu’il faille demander l’aide de donateurs pour restaurer l’édifice.

Ces différentes réalités nous amènent aussi à une prise de conscience plus profonde encore, celle de la fin de quelque chose, de la perte d’une part de notre identité, de notre histoire. Les plus pessimiste parlent d’un signe annonciateur de la fin de notre civilisation. D’autres d’un jugement divin sur l’église catholique. D’autres encore d’un jugement sur la nation. Pour nous, l’idée n’est pas de chercher les coupables, Dieu seul est juge, mais de trouver l’encouragement et la rédemption que Dieu veut communiquer à son peuple, et ce qu’il veut dire à cette nation au travers de ces catastrophes.

Le choc est énorme, d’autant plus que la disparition de la civilisation occidentale s’est déjà produit une fois dans le passé, et que cette ombre plane comme un fantôme sur notre histoire et notre destinée.

Justement, la cathédrale Notre-Dame de Paris représente la reprise de la civilisation après les temps barbares. Les édifices gothiques qui ont couverts toute l’Europe, ont commencé là dans le Nord de la France, à un moment où le peuple s’est unis autour d’un projet fédérateur : construire ensemble, sur plusieurs générations, tous corps de métiers confondus, quelque chose de plus grand qu’eux, destiné à rester, qui soit un témoignage des promesses de Dieu pour eux, et de leur volonté de lui rendre hommage, de lui rendre gloire. Un ouvrage dont la solidité de la pierre, la légereté des la structure et l’illumination de couleurs et de lumières se voulait une préfiguration de la cité céleste que Dieu prépare pour ceux qu’Il aime.

Il faut comprendre qu’à l’époque, seuls les moines et les prêtres avaient accès à la Bible et à des édifices religieux. Le clergé vivait dans des monastères à la campagne, et le peuple lui travaillait en ville. Donc pour la première fois le peuple a désiré s’unir autour d’un projet commun, bâtir en ville une église qui en serait le cœur, qui serait le point culminant de l’urbanisme et l’apogée de leurs efforts communautaires.

Une encyclopédie de vitraux, un livre de pierre pour que la population alors grandement illettrée puisse avoir accès aux récits de l’évangile. Car c’est ce qui se passait à l’époque, le peuple entrait dans la cathédrale et on lui racontait les principaux récits de la Bible. Comment Dieu créa la terre et le ciel, appela Abraham, donna sa loi à Moise, parla par les prophètes, puis s’incarna en la personne de Jésus, le messie, le sauveur. Celui que l’humanité attendait, qui allait de ville en ville pour guérir les malades, libérer les prisonniers, et consoler les affligés. Et dans les images même de ces récits, les hommes de l’époque choisissait de se projeter, de se représenter dans leur costumes du moyen-age. Jésus lui-même, les saints, les prophètes, vêtus et blanc comme des européens, comme pour mieux s’identifier. Ce Jésus qui guérit un jour quelqu’un en Palestine, c’est toi qu’il veut guérir aujourd’hui. Ces hommes ont donné le meilleur d’eux-mêmes, de leur art, de leurs efforts, de leur temps. Ils ont employé les choses les plus précieuses qu’ils avaient et les technologies de pointe de leur époque pour laisser un témoignage de ce moment et de leur compréhension du projet de vie que Dieu a pour l’homme, un projet fait de légèreté, de grâce, de vie, de lumière, de couleurs, d’élévation vers le ciel.

Plus loin encore que le moyen-age, cette cathédrale prends aussi racines dans les temps primitifs de l’église. Le plan de la cathédrale est largement inspiré de l’église de Qalb Lozeh en Syrie. Derrière les pierres, on peut donc percevoir le peuple des chrétiens d’Orient qui sont eux aussi sur le point de disparaître.

Ce lundi là, c’était donc des édifices debout depuis presque mille ans qui menaçait de s’écrouler sous nos yeux, mais aussi d’une certaine façon tout un pan de la chrétienté dont la fragilité et la possible disparation devenait tangible. Si l’on se réfère aux paroles que Rémi a prononcé en 498 à Reims lors du baptême de Clovis, dans sa vocation même la France « est prédestiné par Dieu à défendre l’église du Christ, notre Seigneur. Ce royaume sera grand entre tous les royaumes de la terre. Tant qu’il sera fidèle à sa vocation il sera victorieux; s’il s’y montre infidèle, il se verra durement châtié. Il durera malgré tout jusqu’à la fin des temps.» Rémi précise à Clovis : « adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré. » Les encouragement que Dieu nous donne sont donc de revenir à notre vocation première qui consiste à servir et défendre l’église, mais aussi à épurer notre foi par le feu, pour qu’elle soit débarrassé des fausses idoles qui nous détournent de l’adoration de Dieu en esprit et en vérité.
Pour beaucoup l’incendie a aussi été le retour du refoulé, un signe pour les temps, un appel à redécouvrir la foi de nos pères, la recevoir, se l’approprier, la conserver et la transmettre aux générations futures.

FEU

Reconstruction ou restauration ? Normalement on ne reconstruit jamais un monument historique, mais on le restaure dans l’état où il a été classé et enregistré. C’est la base de la politique culturelle, et c’est encadré par la charte de Venise de 1964. Mais pour l’occasion le gouvernement français a proposé le vote d’une loi d’exception pour que des travaux de modernisation puissent intervenir, et le président Macron a même annoncé une reconstruction en 5 ans pour que l’édifice soit prêt pour les jeux olympiques de Paris en 2024. Cela provoque donc un débat, entre tenant de la restauration à l’identique et tenant d’une modernisation de l’île de la cité au complet.

Ce sont des réflexions profondes, car dans la vocation de l’homme, ou du moins de l’homme occidental, il y a l’idée que l’on va laisser plus à nos descendants que ce que l’on a reçu soi-même. De là proviennent les progrès de la science, de l’université, les musées, la culture, etc. De là aussi aujourd’hui le défi environnemental. On ne fait pas table rase du passé, comme les barbares, mais l’on bâtît sur les fondations de nos pères pour préparer un meilleur futur pour nos enfants. On ne réinvente pas la roue à chaque génération, mais l’on vit pour transmettre ce que l’on a reçu à nos descendants.

L’un des signes fort après l’incendie, ont été les images de la croix en or qui restait intacte parmi les décombres. Comme quoi par de là le feu et la destruction, la foi serait rendue à son premier amour. Comme un signe que seules les pierres vivantes resteront après le jugement, l’œuvre construite dans le cœur du croyant, pas les édifices humains. Un peu comme lorsque le Titanic que tout le monde croyait insubmersible a coulé, sonnant comme un avertissement avant le désastre de la première guerre mondiale, cet incendie interpelle l’église et la nation : si vous continuez dans cette direction, vous pouvez couler, mourir, disparaître. Cette avertissement nous encourage à nous réveiller pour retrouver le vrai sens de notre appel, à changer sans quoi ce n’est pas seulement le toit qui va brûler, mais l’édifice au complet.

Pour conclure, une citation du cardinal Robert Sarah, qui publiant en ce moment un livre sans concessions sur le déclin de l’Occident, a été interrogé sur l’incendie et a déclaré, lui qui a connu la guerre dans son pays en Guinée :

« Cet incendie c’est un appel de Dieu pour retrouver son amour, par ces brasiers apocalyptiques, Dieu a voulu attirer l’attention des hommes pour qu’ils puissent retrouver la foi de leurs ancêtres. Un appel directement adressé à la France, qui a eu rôle de premier plan. Il faut parfois le feu pour nous ouvrir au ciel. L’incendie appelle au réveil de la foi française et de la foi de l’Occident, il nous dit que les questions matérielles et économiques ne peuvent conduire seules nos vies terrestres, un amour nous est proposé, il faut tourner nos regards vers Dieu. Dieu ouvre sa main. La seule réforme sera notre conversion. Vous voulez relever l’église? Mettez-vous à genoux, car ce sont les saints qui changent les choses, sans spectacle, dans le secret du cœur ».

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